La Révolution à la une

Robespierre: L’actualité éditoriale

L’intérêt pour Robespierre ne se dément pas: émissions de télévision, polémiques, ouvrages scientifiques…

Nous signalons ci-dessous les dernières publications.

Robespierre

par Hervé Leuwers

Fayard, 458 p. 25 €.

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Hervé Leuwers est directeur des Annales historiques de la Révolution française et membres du bureau de la SER.

Extrait

Dans le cas de Robespierre, le biographe se heurte à une exceptionnelle sédimentation de travaux, plus contradictoires que complémentaires. Beaucoup d’entre eux abolissent la frontière entre l’histoire et la mémoire : par l’actualité sans cesse réinventée du conventionnel, leurs auteurs chargent son parcours d’enjeux qui leur sont contemporains, au risque de s’interdire l’accès à l’homme de la fin du xviiie siècle. Pour autant, les solides portraits ne manquent pas. Certains ont jadis marqué un important progrès des connaissances, comme le Robespierre de Gérard Walter (1961) ; d’autres ont souligné les perceptions contrastées du révolutionnaire, comme l’ingénieuse biographie de Norman Hampson (1974) ; d’autres encore ont rappelé son humanité, tel le classique Robespierre, politique et mystique d’Henri Guillemin (1987).

Bien des aspects de la vie de Robespierre restent pourtant jusqu’à présent obscurs, méconnus ou sujets à des récits contraires. L’incertitude est fréquente et les certitudes parfois trompeuses ; répétée dix fois, cent fois, une imprécision, une erreur acquiert la force d’une vérité. Certaines sont aisées à écarter, et l’ont été maintes fois. C’est le cas de ces fluctuants échos des débats qui ont précédé ou suivi la mort de Robespierre : beaucoup d’hommes de 1794 ont cru sincèrement qu’il avait ambitionné de se faire roi ou que, sous des dehors austères, il avait caché une vie de débauche ; qui pourrait l’affirmer encore ? Néanmoins, le « monstre » politique et moral réapparaît parfois, notamment dans une version médicale qui l’assimile à un psychopathe… D’autres pages sont plus difficiles à écrire. L’historien est souvent prisonnier de récits et d’analyses jamais démontrés ; fréquemment repris, parfois transposés au théâtre ou à l’écran, ils s’incarnent dans des images qui leur donnent la force de l’évidence. Ce sont des faits, ce sont des interprétations qui, à l’issue d’une vérification scrupuleuse, se révèlent pourtant parfois inexacts.

L’historien est plus encore entravé par des questions, des présupposés qu’il pense rarement à bousculer ; ils paraissent si naturels, si évidents. Ainsi, ne faut-il pas se demander pourquoi, plus que pour d’autres, les biographies de Robespierre s’attardent sur les analyses psychologiques ? Il ne s’agit pas de les écarter, mais de savoir si l’interrogation est neutre, si elle n’est pas un héritage des temps mêmes de la Révolution, si elle n’a pas autant de sens, plus peut-être, que la réponse qu’on peut y apporter. Et cette attention prioritaire à l’homme de la Terreur, cette patiente recherche des signes de son émergence, jusque dans la vie de l’orphelin, de l’avocat, du constituant – comme si Robespierre était né conventionnel –, ne pose-t-elle pas également un problème ?

Table des matières

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L’auteur nous parle

(présenté par Michel Biard)

On peut également consulter (en cliquant sur le lien ci-dessous) la vidéo d’une double conférence, de Michel Biard et Michel Vovelle, intitulée «Robespierre, histoire d’une solitude».

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Robespierre. La fabrication d’un monstre

par Jean-Clément Martin

Perrin, 364 p., 22,50 €.

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Extrait

La personnalité publique de Robespierre est indissociable des images, louanges, accusations et calomnies qui lui ont été accolées après le 9 thermidor, mais aussi dès 1789. Il est alors d’autant plus difficile d’accéder à l’individu lui-même que les sources authentiques sont tout à la fois peu nombreuses et très connues. Elles ont été explorées dans leurs moindres détails, sans qu’elles permettent de répondre à la question obsédante depuis Thermidor : comment se fait-il qu’un homme dont la vie personnelle se résume à si peu de chose, qui vécut sans argent, qui ne disposait pas de relations remarquables, qui n’eut jamais de pouvoirs exceptionnels, ait pu jouer un rôle si extraordinaire ? Il est illusoire de vouloir décoller ce filtre pour accéder à la vérité de l’homme ; aussi, à la demande formulée par l’historien Marc Bloch – « Robespierristes, antirobespierristes, nous vous crions grâce : par pitié, dites-nous, simplement, quel fut Robespierre » –, nous répondons en modifiant la question : « Dites-nous plutôt ce qu’on en a fait ». Et surtout : « Dites-nous pourquoi il a été ainsi considéré comme un homme différent de ses contemporains, doté d’une trajectoire unique, incomparable. » Car pour faire de l’histoire, il ne suffit pas d’être érudit ni d’éviter les partis pris ; il est nécessaire de prendre en considération les rapports de forces et les relations dans lesquels une personnalité s’est bâtie et s’est affirmée. Ne cherchons pas le « vrai » Robespierre sous les oripeaux qui le masqueraient, mais essayons plutôt de comprendre comment et pourquoi les éléments de sa courte vie ont pu servir à bâtir l’échafaudage proprement monstrueux qui l’a enseveli – et immortalisé, ce qui ne se produisit pas pour ses contemporains, même ceux qui furent ses proches, ses soutiens et ses concurrents.

Nous entendons montrer comment Robespierre participa à sa légende, comment il fut distingué de tous ces jeunes hommes qui l’entouraient et qui furent ses amis et collègues, éventuellement ses rivaux, voire ses victimes ou ses bourreaux, comment il devint une icône et un meneur suivi et jalousé, avant d’être projeté dans l’Histoire comme la figure du révolutionnaire sanguinaire. Adopter ce point de vue ne signifie pas prendre en considération la seule « face noire » de la Révolution dont il aurait été le responsable et l’illustration, mais au contraire, comme nous l’avons entrepris depuis des années à propos de la guerre de Vendée et de la violence révolutionnaire, mettre au jour les contraintes et les calculs qui furent le lot des acteurs de la période, dont Robespierre fut l’un des plus importants, mais jamais le seul.

Table des matières

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L’auteur nous parle

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Rappel

Deux ouvrages plus anciens

Robespierre. La probité révoltante

par Cécile Obligi

Belin, 2014, 152 p. 21 €.

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Robespierre. La fabrication d’un mythe

par Marc Belissa & Yannick Bosc

Ellipses, 2013, 557 p. 24,50 €.

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Un docu-fiction d’Hervé Pernot en DVD

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Robespierre, sa vie, son exercice du pouvoir sont confrontés à l’analyse et au jugement des hommes du Bicentenaire (1989), des historiens (Michel Vovelle, Jean-Paul Bertaud, Serge Bianchi…) et des hommes politiques (Jacques Chaban-Delmas, Michel Debré, Bertrand Renouvin, André Lajoinie, Lionel Jospin). Le film est d’un intérêt tout à la fois historique et historiographique. Il met en scène les moments les plus dramatiques de la vie de Robespierre et offre un regard sur la Révolution française à la fin du XXe siècle.

Prix : 7 € (+ 4 € de frais de port).
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